Interview du Dr Philippe BESSET, pharmacien, vice-président de la FSPF (Fédération des syndicats pharmaceutiques de France)
Où en est-on de la convergence entre le Dossier médical partagé (DMP) et le Dossier pharmaceutique (DP) ?
Le DP a pris de l’avance dans la mesure où il est déjà déployé dans presque toutes les officines. Les travaux d’intégration sont en cours. Pour l’instant, par défaut, ce que contient le DMP, c’est l’historique des remboursements de l’assurance maladie, dans un format de données non structuré. Il est donc intéressant d’y intégrer les éléments du DP. Les professionnels de santé parlent de contribution au DMP dont la nouvelle version (alimentée par l’assurance maladie), est déjà en partie remplie… mais de façon imparfaite.
Comment cela va-t-il fonctionner ?
Prenons l’exemple d’un examen de biologie, le DMP va indiquer un suivi du cholestérol. Moi en tant que pharmacien, mais aussi le médecin, allons voir que le patient s’est fait faire un dosage de cholestérol. Mais je ne pourrai pas voir le résultat car l’assurance maladie ne l’a pas. La seule personne qui peut apporter sa contribution au DMP sera le laboratoire qui a effectué l’analyse, et personne d’autre. Néanmoins, c’est mieux que rien. C’est déjà intéressant de savoir que l’examen a été fait. Pour les médicaments, qui sont très codifiés, l’assurance maladie peut mentionner leurs codes mais dans un format (photo ou pdf, donc non structuré), ce qui n’est pas très ergonomique.
L’intérêt du Dossier pharmaceutique, c’est qu’il s’intègre dans le dossier patient et que l’on peut effectuer des recherches d’interaction entre une ordonnance et celle délivrée par une autre officine. Ceci n’était pas possible avec la première version du DMP (sans le DP) et ce sera possible demain quand l’interconnexion aura été réalisée. Par ailleurs, il y a des éléments qui figurent dans le DP mais pas dans le DMP : tous les médicaments qui ne sont pas prescrits (délivrables sans ordonnance). Il faudra bien sûr donner la carte vitale mais, de toute façon, le geste de la carte vitale est appelé à devenir automatique.
Le DP est déjà déployé et son intégration est clairement un plus pour le DMP. Toute la profession est favorable à cette intégration et un des syndicats de pharmaciens (*) a déjà signé la convention. L’intérêt pour le pharmacien (sur le plan financier) de créer des DMP sera optimal en 2018.
Avez-vous donné des consignes syndicales aux pharmaciens ?
Il n’y a pas eu de consignes syndicales mais une consigne du Conseil national de l’ordre des pharmaciens. Nous avons toujours considéré que le DP est un outil fabuleux pour le suivi des patients mais qu’il était très difficile d’avoir à le payer nous-mêmes, sachant que tous les autres acteurs sont payés par l’assureur public qu’est l’assurance maladie. Le Dossier pharmaceutique est le seul outil qui est financé par la profession elle-même.
Pour vous, quel est l’avenir du Dossier médical partagé ?
A mon avis il y a un grand avenir dans le DMP. Il était, à mes yeux, essentiel que ce soit l’assurance maladie (CNAM) qui le mette en œuvre car c’est le seul organisme à pouvoir l’alimenter de façon complète. Parce que, pour faire en sorte que cet outil fonctionne, il faut qu’il réunisse au départ des professions qui sont répertoriées par le maître d’œuvre du système. Or, l’ASIP (Agence des systèmes d’informations partagées de santé, qui en était chargée au début) connaissait les professionnels de santé mais ne connaissait pas les patients, contrairement à l’Assurance maladie qui connaît les deux. Dès qu’un DMP est créé, les professionnels de santé peuvent tous connaître les passages à l’hôpital, les épisodes de santé du patient, tout ce qui est soumis à remboursement, ce qui est énorme et remplit bien le Dossier médical partagé.
(*) UNPF : Union nationale des pharmacies de France.
Recueilli par G.B.